Il faut prendre une décision !
Déjà 15h45 chers visiteurs, il est grand temps de repartir. Dans l'épisode précédent, nous nous sommes quittés sur un dilemme; devions nous retourner au village d'Alquézar où poursuivre notre randonnée jusqu'au cerf légendaire de Chimiachas?
Compte tenu de l'heure avancée, du peu de nourriture, du demi-litre d'eau qu'il nous reste, cela sans carte et sans lampe, la décision n'est pas sans conséquences!
Tout en réfléchissant, nous descendons de l'échelle prudemment, retournons sur nos pas jusqu'à la bifurcation entre la grotte de Quizán et de Chimiachas.
Ils n'ont pas menti
C'est alors que non loin, un autre couple de randonneurs revenant du sentier de Chimiachas, arrivent à notre rencontre. Une aubaine, ils sont français! Aussitôt, nous leur demandons si la grotte est encore loin.
Selon eux plus d'une bonne heure de marche (bien entraîné), avec des montées et des descentes très raides et glissantes par endroit. Pressés de rentrer, ils disparaissent peu à peu à notre regard et nous laissent face à nous même. Malgré ces informations défavorables, alors qu'il est déjà plus de 16h00, l'appel du cerf devient de plus en plus pressant et nous pousse à sa rencontre. Un regard suffit entre Jean-Paul et moi. Nous poursuivons. C'est décidé!
Nous entamons d'un bon pas le sentier qui grimpe modérément pour atteindre un col qui s'avère être le point culminant à 1095m d'altitude.
Nous laissons sur notre gauche un autre abri de berger plus ou moins délabré. De prime abord, la descente ne s'avère pas si raide que cela.
Mais c'est plus loin que les choses vont commencer à se corser.
Effectivement, le parcours devient très caillouteux, la pente abrupte, et des gravillons roulent parfois sous nos pieds. À plusieurs reprises je manque d'avoir les fesses à terre. Faites attention chers visiteurs de ne pas tomber vous aussi!
À présent, nous voilà dans un sous bois nous apportant un peu de fraîcheur. Les rayons du soleil ont baissé d'intensité. Ouf il était temps! Notre réserve d'eau devrait suffire. Une tempête ou un important phénomène neigeux n'a pas été tendre avec les pins sylvestres qui nous environnent. Nous enjambons les troncs au sol ce qui ralentit notre progression.
Ça se complique
Non loin, une vaste caverne se dessine dans notre champ de vision et nous parions déjà que nous touchons au but..
Hélas, quelques minutes plus tard nous déchantons devant un sombre boyau dénué de toute représentation rupestre. En revanche il s'enfonce dans les profondeurs... Y logerait-il un fauve quelconque? Quittons vite ce sous bois, je ne voudrais pas être encore ici à la tombée de la nuit.
Quelques passages rocheux corsent notre avancée mais cela n'est rien. La suite est bien plus difficile. Les gorges se rétrécissent. Nous parvenons au niveau d'un cirque formé de falaises en surplomb. Le sentier devient alors bien plus risqué.
Un parcours acrobatique
Il faut se concentrer, heureusement qu'il ne pleut pas car les roches sont glissantes et nous devons les escalader, suivre l'itinéraire équipé de câbles et d'échelons, monter aux échelles, se tenir aux branches dans les descentes tant la pente est prononcée.
Nous comprenons pourquoi il y a si peu de randonneurs et que de jeunes gens sur ce parcours. Des câbles de grosse section nous servent de main courante. Je remercie les hommes et les femmes qui ont travaillé sur l'accessibilité du sentier pour l'équiper de la sorte, probablement des spécialistes de l'escalade.
Nous voilà au fond du barranco de Chimiacha, un panneau indique la direction de « l'abrigo de Chimiachas ». Il faut monter un sentier toujours aussi pentu et de plus en plus abrupt. Il me faut une fois de plus m'accrocher aux branches, aux troncs parfois.
Une représentation de plus de 3 000 ans
Je souffle, vais-je enfin y arriver ? En relevant la tête, j’aperçois au loin Jean-Paul grimpant un escalier métallique très raide. Après cette courte pause, je repars d'un pas décidé mais lent, au rythme du montagnard, en gardant pour objectif cet escalier dont je devine qu'il m'annonce la fin de ma quête.
À mon tour, je gravis avec enthousiasme l'escalier. J'entame les dernières marches. Des grilles de protection apparaissent alors. Soudainement, je ne ressens plus de fatigue et m'approche de la cavité avec allégresse.
Là, niché dans une falaise de plus de trente mètres de haut, le cerf millénaire nuancé de rouge ocre s'impose, impassible et droit. Nous sommes surpris par tant de sérénité et de bienveillance. Est-ce son regard, sa posture? Cette peinture est unique dans la cavité. Elle mesure environ 60 centimètres. Les scientifiques la datent de 3 000 à 8 000 ans av JC. C'est une représentation rupestre typique de l'art levantin inscrite au patrimoine mondial de L'UNESCO. Le spectacle face à nous est fabuleux. La grotte est située à 960m d'altitude dans un canyon du même nom.
Cette peinture préhistorique bien conservée est de toute beauté. Elle mérite qu'on s'y attarde, qu'on prenne le temps de la contemplation et qu'on se fonde dans cet environnement... Ne zapper pas ce moment!
Sur le mur externe de la cavité, à hauteur d'homme s'est installée une plante primaire, elle aussi a choisi cet environnement hostile.
Jean-Paul fait un panoramique des lieux et une belle photo de notre cerf légendaire que vous découvrirez dans un prochain panoramique avec beaucoup d'autres informations. Je regarde encore et encore cette peinture plusieurs fois millénaires. Des centaines de questions me viennent à l'esprit. Pourquoi un jour un chasseur cueilleur l'a t-il dessiné, dans cette grotte précisément et si difficile d'accès? Pensait-il déjà laisser une trace de son passage sur Terre? Quelles en étaient les significations pour lui?
Jean-Paul me prend doucement la main et me murmure qu'il faut rentrer maintenant. Je reviens à la réalité, j'étais déjà partie loin, très loin dans mes pensées. Je retourne sur mes pas, prends l'échelle, lève la tête une dernière fois avant de descendre les marches, puis m'éloigne. Une fois en bas je me retourne, porte mon regard vers la falaise, laissant derrière moi ce passé qui m'échappe déjà. Avec un pincement au cœur nous rebroussons chemin.
Retour au XXIe siècle
Il est 17h30, Jean-Paul, pour me réveiller un peu plus à la réalité me rappelle qu'il reste trois heures de marche pour rejoindre le village et une heure encore de voiture avant de rejoindre la caravane, notre Roulotte. Nous avalons un œuf dur chacun, finissons les gâteaux, les fruits secs et prenons le temps de savourer les dernières goulée d'eau. Partons, il faut mettre les bouchées doubles, la nuit tombera vite.
Cette randonnée nous aura pris plus de 9 heures. Nous revenons avec des étoiles dans les yeux et espérons que vous l'avez appréciée autant que nous.
À très bientôt chers visiteurs.