San Caprasio
Arrivés depuis trois jours dans la banlieue de Saragosse, nous nous apprêtons de bon matin à traverser le désert de Los Monegros. Nous avions été sous le charme du désert de Las Bardenas Réales l'été dernier et il nous tardait de découvrir ce nouveau lieu encore méconnu des touristes.
Situés à une centaine de kilomètres au sud des Pyrénées, entre Huesca et Saragosse, Los Monegros se trouvent à proximité de notre trajectoire de retour. Autrefois, d'anciennes forêts de pins et de sapins recouvraient une bonne partie de cette région de 2 700 km², d'où son nom « montes negros », qu'on pourrait traduire par montagnes noires.
L'aventure commence
Cette région, nous le savions, mérite un détour car elle est toute particulière et ne correspond pas à l’archétype même du désert avec ses 49 villages. Sa nature est plutôt verdoyante au nord, abondamment arrosée dans le sud par un important canal d'irrigation. Les « tozales », formations rocheuses aux couleurs multiples sont une curiosité.
Après une cinquantaine de kilomètres de Saragosse, sur la route de Valfarta le lieu est comme endormi. Arrêtés sur le bas côté, nous scrutons la carte afin de faire une reconnaissance topographique et d'y dénicher les monts les plus hauts qui nous entourent pour de beaux panoramas potentiels. Autour de nous toujours personne... juste un silence apaisant, ponctué parfois des seuls grillons égarés qui stridulent aux alentours des « Je suis là, je suis là » à d'éventuels voisins ou voisines tout aussi égarés. Comme début d'itinéraire, nous choisissons l'ermitage de San Caprasio, à 834 m d'altitude, point le plus haut du désert de Los Monegros. Une fois Roulotte dételée derrière une veille bergerie abandonnée, bien à l'abri des regards, nous partons en prospection comme à l'accoutumée
Arrêt sur image
En traversant le village tranquille de Lanaja, nous entendons des bruits étranges, comme des claquettes à travers les vitres fermées du véhicule. Tentant de déterminer d'où viennent les sons, je tourne la tête de gauche à droite ; rien ! Les claquements se font de plus en plus distincts au fur et à mesure de notre avancée vers le centre historique de la bourgade. Cette fois, je lève la tête et là, sous mes yeux étonnés, j'avise des dizaines de cigognes qui ont élu domicile, perchées sur le toit de l'église. C'est leur craquètement qui a éveillé mes sens. « Jean-Paul, vite, vite, garons-nous! Les nids sont immenses et ne manqueront pas d'intéresser nos visiteurs » lui intimai-je, prête à mettre pied à terre.
Écoutez : Le chant des cigognes version 2017
Début de la piste
Après quelques clichés pris à la sauvette, nous reprenons la route vérifiant le GPS. L'ermitage est à 30 km de là. Nous arrivons bientôt sur une piste. De chaque côté, de jeunes pouces de blé d'hiver couvrent la terre pauvre des parcelles. Les amandiers, déjà en fleurs en ce mois de février, décorent par touches blanches et odorantes le paysage. Nous roulons prudemment, toujours sur nos gardes. Les tracteurs peuvent débouler à tout moment croyons-nous, mais à tord, car cette piste est très peu empruntée et ne mène qu'à un petit bout du monde très peu convoité. Cependant, la piste est étroite, deux véhicules ne passent pas en même temps si bien que la prudence reste de mise. Les lacets vont se perdre dans une forêt de résineux.
De nombreuses bergeries, malheureusement abandonnées sur notre itinéraire, rappellent l'époque des grandes transhumances au siècle dernier. Toutefois, il n'est pas rare de rencontrer encore aujourd'hui des bergers, mais gare à se rapprocher trop près des troupeaux de brebis sans quoi nous risquons de subir le courroux de leur fidèles compagnons, les patous.
Ermitage de San Caprasio
Au loin, une antenne météo se distingue nettement. Nous nous demandons s'il s'agit du point culminant de Los Monegros. Malgré le doute, nous poursuivons notre route et traversons une pinède ; à notre droite un aplomb impressionnant donne sur une bonne partie de la vallée de l'Èbre, façonnée il y a 40 millions d'années. Ici, comme ailleurs dans le désert, les monts s'érodent au fil des siècles, la sécheresse et les pâturages ont accentué le processus de désertification. Sur les flancs des montagnes les pins saupoudrent la rocaille blanchâtre.
C'est sur les hauteurs que la forêt devient plus dense , que le parfum des résineux vient nous chatouiller les narines. Nous décidons de quitter la voiture et ainsi profiter du panorama.
Jean-Paul a déjà disparu de ma vue à la recherche d'une avancée la plus dégagée possible. Je suis toujours inquiète, les bords de falaises sont souvent instables. Ici, c'est vrai qu'une photo panoramique construite au minimum sur deux étages s'impose. À perte de vue des collines, des champs de céréales et quelques bâtisses, des porcheries industrielles certainement. Le jambon de serrano est très connu dans le monde entier, la pata negra plus artisanale est nettement meilleure à notre avis. D'ailleurs, lors de l'une de nos visites dans la région, un randonneur nous explique que lorsque les espagnols s'émerveillent devant quelque chose, ils lâchent un « pata negra » admiratif !
Ah, le revoilà notre intrépide photographe. Une fois les prises de vue et assemblages confectionnés aux petits oignons, il se permet une courte pause, quelques biscuits et du jus de fruits avant de reprendre la direction de l'ermitage encore ensoleillé.
En Espagne, haut lieu du catholicisme en Europe, les sites de pèlerinage, calvaires, églises font partie du patrimoine. Ils sont présents dans presque tous les villages que nous traversons.
Les habitations troglodytes
Arrivés au sommet de San Caprasio, rien de particulier à première vue, un vent à décorner les bœufs, il ne fait pas chaud. Nous hésitons à mettre le nez dehors. Sauf qu'en tournant la tête à droite, sur la falaise à portée de baskets, nous apercevons des cavités alignées se fondant dans ce paysage aride. Ni une ni deux, nous mettons nos chaussures de randonnée et prenons un sentier caillouteux où du fenouil sauvage s'est installé, narguant ce sol si inhospitalier. Une échelle métallique facilite la descente jusqu'aux grottes. Elles sont toutes fermées par une porte en bois décrépie et branlante. À l'intérieur, de petites pièces sont aménagées spartiatement.
Elles sont au nombre de cinq, creusées dans la roche. La plus grande est destinée sans aucun doute au culte chrétien avec sa croix accrochée au mur, les quatre autres semblent des lieux d’hébergement avec une table, des bancs taillés sur place et des matelas à même le sol. Nous apprendrons plus tard que des ascètes viennent y méditer toute l'année. Aucune âme aujourd'hui, même pas celle d'El Cucaracha, ce bandit de grand chemin, pour nous faire découvrir l'histoire des lieux.
El Cucaracha...
Eh oui ! Los Monegros a aussi sa légende. Il paraîtrait qu'un certain Mariano Gavín Sueñén aurait sévi dans la région se cachant dans l'un de ces habitats durant plusieurs années. Appelé « el bandido Cucaracha », non parce qu'il dansait de façon endiablée sous l'effet de la marijuana, autre définition de la cucaracha, mais parce qu'il était habillé de noir de la tête au pied rappelant ainsi un cafard
Sur le chemin du retour, un banc en bois stratégiquement positionné nous invite à la contemplation. Le paysage se colore déjà de jaune orangé. Confortablement installée, face à cette étendue tranquille et préservée, je conte à Jean-Paul l'histoire de ce berger devenu bandit par les circonstances de la vie. El Cucaracha serait né en 1838 à Alcubierre, petit village à quelques kilomètres d'ici. Passionné de chasse furtive, il extorquait, volait les plus riches au profit des plus pauvres. C'est le Robin des Bois aragonais, un peu comme Sanchicorrota quatre siècles auparavant dans le désert de Las Bardenas Réales en Navarre.
Pour combattre « los bandidos » de plus en plus nombreux dans cette région pauvre d'Aragon, la Guardia Civil faisait même venir des troupes de Huesca et de Saragosse.
Les batailles faisaient rage dans le labyrinthe de cavernes et de cachettes sans secret pour El Cucaracha et sa bande qui mettaient à mal les forces de l'ordre. L'histoire raconte que l'apothicaire de Lanaja aurait trahi El Cucaracha et ses acolytes le 28 février 1875. Alors que ces derniers se reposaient tranquillement dans une taverne en bas du village, on leur servit du vin empoisonné qui leur fut fatal.
...devenu une légende
« Mais tu sais Jean-Paul », lui dis-je en fanfaronnant, même assassiné El Cucaracha continue de vivre à travers sa légende dans bien des romans, films ou spectacles de marionnettes.
On dit qu'un fameux Don Diego, immensément riche et arrogant vivait à Séville dans une grande maison. Malgré sa richesse, Don Diego est avare et méchant envers les pauvres gens. Un jour, il reçoit la visite d'un étrange vagabond nommé Juanito qui demande l'aumône à sa porte. Dédaignant le mendiant, Don Diego le chasse violemment. Furieux, Juanito lance une malédiction sur Don Diego, l'avertissant qu'il regrettera son mépris.
Peu de temps après, Don Diego commence à entendre des bruits étranges dans sa maison, la nuit. Il est tourmenté par des sons de grincements et de grattements et il est convaincu qu'il est hanté par un esprit maléfique. Malgré ses efforts pour se débarrasser des bruits, ils persistent, le torturant nuit après nuit. Finalement, au bord de la folie, Don Diego décide de consulter un sage qui lui révèle que les bruits sont causés par El Cucaracha, un esprit de la vengeance envoyé par Juanito pour le punir de sa cruauté envers les pauvres. Désespéré, Don Diego cherche à se repentir de ses péchés et à faire amende honorable et du bien autour de lui.
C'est le craquètement des cigognes migratrices en plein vol qui me sort de mon histoire et me ramène à la réalité. Il faut déjà quitter ce lieu, mais que ferons nous demain ?
Peut être, si la météo le permet, nous resterons dans le désert et vous entraînerons sur la mystérieuse et fascinante route de Jubierre.
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Ah, une dernière précision; cette visite panoramique innove en intégrant des vidéos explicatives de votre guide touristique, Marie. Après plusieurs essais il s'avère qu'une bonne, voire très bonne connexion Internet est vraiment nécessaire pour profiter pleinement de cette visite...
Pour rappel
Notre objectif est de vous apporter le luxe d'assouvir votre curiosité sans vous déplacer, tout en vous immergeant dans cet espace unique aux reliefs et couleurs époustouflants.
À très bientôt chers visiteurs.
FIN
  Visite consultée fois depuis le 31/10/2024  
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