Des souvenirs de 40 ans
Partirons-nous deux mois en Norvège en juin ? Comme une spirale négative, après l'épisode d’Albarracin, bon nombre de contraintes et de problèmes de santé se sont invités depuis, repoussant un peu plus chaque jour notre départ. Nous savons que ce pays scandinave, très prisé des touristes en été, doit se visiter au printemps. Jean-Paul attise ma curiosité en me parlant de ses souvenirs de plus de quarante ans. Saisonnier à l’époque, il travaillait comme ouvrier agricole dans les fermes, notamment celle d'Irène et de Svein à Hobøl, près d' Oslo, puis la saison hivernale venue, il reprenait la route pour les pays du sud de l’Europe. La Crète avait sa préférence.
C’est ainsi que nous partons sur le chemin des souvenirs avec des personnages comme Irène, Liv, Sean et Bernt, Svein nous ayant quittés un an trop tôt. Pour moi, la Norvège c'est le pays des fjords et de vastes étendues de toundra, bordées de taïga, forêts boréales.
La bonne conscience mise à mal
J'avais vu des reportages sur les paquebots de croisière et m'imaginais voguant parmi les flots et les icebergs, sauf que mes différentes lectures m'en dissuadèrent; ce mode de transport est connu pour être très polluant... Je me voile la face car en tractant Roulotte nous avons un impact carbone non négligeable, plus important qu’un véhicule ordinaire. Oslo est à environ 2 400 km de Perpignan et nous consommerons du carburant, émettrons du gaz à effet de serre, et des particules.
Les préparatifs !
Avant de partir, nous nous documentons sommairement sur le pays, en écoutant les retours d'expérience dans divers vlogs et en parcourant les guides touristiques. En général, nous nous fions davantage à notre instinct et préparons peu nos voyages. Je n’évoquerai dans mes articles que mon vécu et ressenti.
Question budget, 2 000 euros par mois seront consacrés au voyage. Cette somme, bien assez pour vivre en Espagne, pourrait ne pas suffire en Norvège. Nous prenons la précaution de remplir deux grandes cantines de produits de consommation courante comme le muesli et les incontournables biscuits pour monsieur, du chocolat pour madame, du soja, riz, compotes, galettes de céréales... Environ 500 euros de courses. Les salades vertes et les laitages s'achèteront sur place.
Aux dires de Jean-Paul, la pêche et les eaux poissonneuses de Norvège compléteront l'ordinaire. Il se lèche aussi les babines à l'idée de retrouver les saveurs du traditionnel Gudbrandsdalsost, fromage norvégien couleur caramel fabriqué avec du lait de chèvre.
Concernant les équipements, nous emporterons les chaussures de marche, les bottes, la canne à pêche et des vêtements légers et chauds pour 3 mois de voyage, des sous-vêtements pour tenir trois semaines. Nous n’échapperons pas aux corvées de lessive.
Le jour J
C'est le rush avec tous ces préparatifs, les tensions sont à leur maximum, un grain de sable dans les rouages et tout s'enflamme. Les 10 bonbonnes d'eau de cinq litres chacune sont-elles remplies ? Les bouteilles de gaz et les conserves sous le lit sont-elles bien maintenues. Le panneau solaire sur le toit du véhicule est-il solidement sanglé ? Avons-nous tous les médicaments pour 3 mois ? Pas facile de les avoir tous pour une si longue période. Le pharmacien nous demande de signer une attestation sur l’honneur. Des formalités que nous n’imaginions pas avoir à faire avant notre départ.
Par un temps maussade, ce 14 juin, à 10h00, nous nous engageons sur la A9 avec appréhension, tant le trafic est dense sur cette autoroute. Notre objectif est d’atteindre l’Auvergne avant la nuit
Tout est à recommencer !
Très vite, un claquement sourd nous empêche de nous entendre, il vient du toit de la Duster et cela dès 90km/heure. Nos nerfs sont à vif avec ce bruit insupportable! Il faut se rendre à l'évidence et mettre le panneau solaire dans le coffre de la voiture... oui, mais où? Nous voilà vidant le véhicule sur l'aire d'autoroute, comme de vrais vagabonds tentant «d'optimiser» les espaces, chose que nous ne savons pas faire! Nous pouvons enfin reprendre le «grand ruban» avec plus de calme. Cette section à péages traversée nous nous empressons de bifurquer vers la A75, beaucoup plus belle et tranquille pour nous.
Après quelques clichés vite pris sur le Viaduc de Millau, nous arrivons au pays du Gévaudan. La légende de la Bête oubliée, nous quittons les grands axes pour nous offrir une première nuit en camping sauvage. Nous dénichons un terre-plein en friche parmi les parcelles destinées à l'élevage. De vieux murets en pierre magnifiquement alignés sont caressés par le vent et les fleurs jaune vif des genêts. Les vaches et leurs petits sont encore là à notre réveil ; nous abandonnons à regret dès 7h00 ce paysage bucolique, et poursuivons vers le nord.
J2 - Un itinéraire de ponts
Avec une température de 12 degrés au thermomètre, la pause au viaduc de Garabit ne sera que de courte durée. Nous effectuons 438 km de plus et atteignons le territoire de la Côte d'Or appelé ainsi grâce aux nombreux vignobles colorés d'ocre et de jaune orangé à l'automne.
Il est non loin de 17h00, c’est le moment de dételer Roulotte et de partir en quête de notre havre de paix pour une seconde nuit dans « la verte ». Jean-Paul suit son intuition et prend une piste pentue, déserte de toute habitation quand, soudain, un véhicule arrive en sens opposé. L’homme, seul dans sa fourgonnette, s’enquiert de notre destination. Nous lui expliquons que nous cherchons un petit coin, loin de l'agitation pour dormir. C'est alors qu'il nous propose gentiment de nous héberger avec Roulotte dans son hangar avec en prime l'électricité et les toilettes.
Nous recevons cette invitation avec plaisir surtout que depuis notre départ le soleil manquait pour recharger les batteries.
Le soir venu, il nous fait la surprise d'une petite visite avec son épouse. Ils nous questionnent sur notre mode de voyage, nos motivations, nos destinations futures. Lui connaît l'île de la Réunion, il y a passé une semaine pour le travail et aimerait y retourner. Les échanges vont bon train. En nous quittant, le couple nous souhaite bon voyage et rajoute, «peut-être à demain pour le café à 9h00».
Une belle rencontre
Laurent, notre hôte, est maire du village, éleveur de vache à viande et a pour passe temps la chasse. Neuf chiens nous flairent de loin et aboient dès que nous nous rapprochons un peu trop près d'eux. Heureusement qu’ils sont attachés. Je préfère la compagnie des vaches, moins agressives au premier abord. J’apprends qu'elles sont en stabulation libre et bénéficient avec leurs veaux d’un bel espace paillé où ils se reposent et se nourrissent quand bon leur semble.
Voyager, c’est aussi découvrir des mondes méconnus. Laurent n’a rien voulu en échange de son hospitalité. Je lui offre un sachet de poivre sauvage de Madagascar, modeste présent face à la gentillesse de cet enfant du pays. Il gardera peut être un souvenir de ces deux hurluberlus venus par hasard avec une petite caravane dans sa propriété du bout du monde.
Le soleil boude toujours
Nous quittons la ferme vers 9h00 pour une troisième journée de route. C'est en Meurthe-et-Moselle, sur l’autoroute, à la frontière luxembourgeoise que notre voyage prend une toute autre teinte mettant à mal notre bonne humeur et notre motivation pour parcourir les 1500 km restants jusqu'à Oslo.
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